Bobazin rencontre Férouz ALLALI, Styliste et Créatrice d’Africouleur

Férouz et Amélé

Au cœur d’une mode africaine qui explose, l’équipe Bobazin a trouvé une exceptionnelle préservatrice de son authenticité. Elle est créatrice, styliste et coloriste, mais au-delà de tout elle est humaine. Férouz ALLALI connaît l’Afrique et croit au potentiel énorme de ses créateurs de mode. Tout cela sans ignorer la misère qui peut régner sur le continent, les préjugés, les barrières en forme de VISA et les conditions de vie des plus amoindries à qui elle offre la chance d’être autonome, grâce à sa passion.

Férouz héberge ses créations dans sa boutique Africouleur, à Paris et nous l’avons rencontré. Voici en quelques lignes le fruit d’un échange certifié #FashionSolidarity.

Qui est Férouz ALLALI d’Africouleur ?

Férouz est une styliste confirmée mais c’est avant tout une créatrice de mode autodidacte qui tient son influence du Nord de l’Afrique. Enfant, chaque été, avec sa petite famille elle rendait visite à ses grands mères, tisseuses du désert Algérien. C’est dans ses propres racines qu’elle trouva son affinité pour la couture et les petits travaux manuelles.

Dès l’âge de 10 ans, elle manipulait déjà bien la machine à coudre de sa maternelle qui avait peur qu’elle se pique les doigts, nous rapporte-t-elle ironiquement. Elle a donc entamé la confection de ses propres vêtements seule, comme un vrai petit artisan qui utilise toutes les matières à sa portée, tissu, cuir, jean et retouche même les combinaisons traditionnelles appartenant à sa mère.

“Ce que je faisais par plaisir reflétait mon identité au sein de mon groupe d’amis : ma différence, mon origine que je ne cherchais jamais à étouffer. C’était une position que j’appréciais et que je faisais connaître par mon style vestimentaire”

Passée l’adolescence et toujours dans ses propres jupons, Ferouz n’a jamais pensé à faire de sa passion un métier d’avenir. Sa relation intime avec la création lui récoltait des compliments venant de proches et d’amies. Ce sont finalement ses copines, très demandeuses de ses créations, qui la poussèrent à structurer son travail par l’entrée dans une école de stylisme. La jeune femme vivait en ce temps là seule (avec sa
machine à coudre) et travaillait dans la bureautique. De fil en aiguille, Férouz, malgré sa formation professionnelle différente, a su pousser les portes d’écoles Parisiennes plus prestigieuses. Elle y a appris le côté profondément complexe et technique de sa passion, avec la règle et l’équerre, elle a fait naître ses premiers patronages et fait ses premiers moulages sur mannequins. Face à des formateurs qui ont transmis leur
savoir à Karl Lagarfield, et au milieu de camarades tous professionnels, plus âgés et plus informés, Férouz s’est donné les moyens, parfois dans la douleurs, pour assimiler des connaissances solides. Ses efforts couplés à son âme de créatrice font actuellement d’elle une figure reconnue de la mode africaine en France.

Africouleur : du Guatemala à Lomé, une Créatrice s’envole…

Une fois sa valise de compétences bien chargée, Férouz a d’abord rejoint le Guatemala, avec un ami également artisan. Elle y a développée sa créativité sans pour autant trouver sa place dans un espace de travail qu’elle jugeait inapproprié. Ses valeurs naturelles de partage, de respect et de convivialité étant rudement mis à l’épreuve, elle décida donc de rentrer en France.

De retour à Paris, la jeune créatrice débordante d’idées n’a pas trouvé meilleure inspiration que de se jeter dans un avion Low-cost pour atterrir cette fois-ci en Afrique. Accompagnée d’une amie pendant un mois, puis seule le mois suivant, Ferouz s’est lancée dans un trip traversant le Togo du Sud au Nord, pour ensuite visiter “Ouaga” au Burkina Faso et finalement se poser dans la ville d’Accra, au Ghana, là où elle s’est remise tranquillement au travail.

“J’étais totalement obsédé par les tissus colorés vendus sur le marché. Je travaillais dans un petit atelier, avec des femmes artisans, à qui je me suis lié d’amitié. J’ai acheté quelques tissus qui m’ont permis de produire 50 créations. En rentrant à Paris, une seule journée d’exposition a servi à ce qu’elles soient toutes achetées. Je me suis dit c’est bon signe….”

Survoltée par ce premier succès, la marque de collection Africouleur prend vie. Férouz décide de retourner en Afrique pour continuer sur cette lancée. Elle confectionne toujours en Afrique, elle y trouve un intérêt profond : former les apprentis artisans, consolider les compétences des artisans en activité et combattre le chômage en offrant de l’emploi. Pour stabiliser son activité, Férouz a choisie une ville qui a été son coup de cœur par ses marchés de tissus, sa convivialité et son calme : Lomé (Togo). Là-bas on la connaît pour sa générosité, sa rigueur dans le travail et sa pédagogie à tous les niveaux, ce qui lui a facilité la rencontre avec des tailleurs et teinturiers de qualité.

Férouz connaît l’Afrique et ses habitants depuis de nombreuses années maintenant. Elle y vit comme une Togolaise et fait preuve de beaucoup de tolérance, elle sait que tout le monde ne naît pas avec les mêmes chances.

“À l’avenir, j’aimerai écrire un livre de patronage, simplifié et accessible aux créateurs africains qui souhaitent correctement se former…”

Férouz et l’Afrique, main dans la main

Cela fait 20 ans maintenant qu’à chaque fois qu’elle pose bagages à Lomé, de nombreux artisans de tout niveau la sollicitent. Elle fait de son mieux pour transmettre son savoir gratuitement via l’apprentissage ainsi que par la collaboration professionnelle. Elle apporte souvent du petit matériel tels que la roulette et le perroquet que l’on ne trouve pas à Lomé. Des livres coûteux de patronage font également partie de ses dons. Le patronage étant la base pour travailler sérieusement, les artisans Togolais prennent cela très au sérieux et sont très disciplinés dans leur apprentissage. Les artisans les plus vulnérables (au chômage ou ayant des proches malades à charges) sont privilégiés vis-à-vis de Férouz. Elle fait en sorte de financer, à hauteur de ses moyens, le matériel dont ils ont besoin pour travailler et fait appliquer une méthode de travail éthique qui impose un respect mutuel et un travail qualitatif. Une fois l’artisan en condition, il peut commencer à travailler, il reçoit une rémunération pour sa production et peut aisément rembourser le matériel sans frais. Depuis plus de vingt ans, Férouz travaille avec une dizaine d’artisans, tailleurs et teinturiers, qu’elle rémunère et qui ont également leurs ateliers personnels.

“Avant de passer du temps en Afrique, je ne me rendais pas compte de la misère qui pouvait y régner. J’ai été aussi surprise par le potentiel des
personnes les plus amoindries. Tout cela m’a beaucoup fait réfléchir, c’est là d’où m’est venue le concept d’Africouleur : mettre en avant l’espoir
africain, en Europe, à travers l’artisanat. Dans ma boutique Parisienne on retrouve mes créations mais aussi celles des artisans avec qui je travaille afin qu’ils soient reconnus et qu’ils puissent vivre de leur travail”.

Ces longues années de collaboration ont permis à Férouz de se développer tout en préservant l’authenticité du savoir-faire Africain. Elle a créé ses premiers modèles ethniques, comme le Bazin, sans savoir à quoi ressemblaient les modèles de ses prédécesseurs. Sa vocation l’a amené à la racine, en Afrique, et elle l’enrichie par son don et son humanité.

Un message aux jeunes créateurs…

Attentifs à son discours, nous avons compris d’elle que de défendre la mode Africaine en France n’était pas toujours simple, tout cela est dû aux préjugés ancrés dans les cultures occidentales vis-à-vis de l’Afrique en général. Cela dit, ces derniers temps, on constate un changement dans les mentalités, grâce à l’effort des acteurs de la mode africaine qui la rendent plus visible avec les médias et plus accessible par un style ouvert.

Férouz tient tout de même à sensibiliser les jeunes qui feront la mode africaine de demain.

“Je conseille premièrement aux créateurs de demain de se donner les moyens de maîtriser le métier, d’avoir beaucoup de patience, de tolérance et de pédagogie. Une collection naît par l’endurance, elle reflète ce que l’on est et j’estime qu’il faut forcement avoir en soi un peu d’humanité pour travailler main dans la main avec l’Afrique, qu’il ne faut pas oublier. Avec les barrières administratives qui bloquent parfois l’accès des créateurs africains au monde extérieur, j’encourage les jeunes nés en Europe, comme moi-même, à faire un travail de promotion par l’échange de connaissances, par l’aide à la formation et par la diffusion des talents africains avec tous les moyens possibles. Faire ce travail c’est préserver l’authenticité de la mode africaine et la partager avec le monde entier pour le bien de
tous”.

L’équipe Bobazin remercie Férouz pour son temps, son accueil et générosité 🙂
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L’article en pdf : Interview Ferouz Africouleur

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